

EFFRAYER POUR NE PAS ETRE EFFRAYE
Le sens premier du clown est de faire rire. Pourtant, dans diverses villes de France, durant le mois d'octobre et jusqu'à la veille de la Toussaint, des personnes déguisées en clown, soutenues par un grimage inquiétant, se sont amusées à terroriser, parfois même à agresser, des passants.
Ce phénomène venu des États-Unis questionne.
Comment et pourquoi le clown habituellement associé au monde de l'enfance, peut-il être utilisé à contre-pied pour inquiéter, menacer ou agresser ?
Pour y répondre nous avons intérêt à nous pencher sur la société des masques dont, par son nez et son grimage, ainsi que par son origine, le clown fait partie.
Roger Caillois* définit les trois fonctions essentielles du masque : dissimuler, métamorphoser et épouvanter.
C'est au cœur même de ces trois fonctions que nous allons penser le phénomène des agressions clownesques.
« Se dissimuler pour agresser », cela ne questionne personne, mais le masque épouvante parce qu'il se réfère au monde des spectres. Ainsi porter le masque c'est passer de la classe des terrorisés à celle des terrifiants. Nous le voyons nettement chez les enfants qui s’enhardissent tout particulièrement lors de la fête D'Halloween en jouant à menacer et à effrayer les adultes.
Ainsi ces agresseurs serait-ils des effrayés qui décident de s'affranchir de leur état subissant pour devenir actant ?
Pourquoi le clown et non pas des masques de zombis, de Dracula ou encore de Scream ?
Il est dans la culture populaire toute une causalité historique liée à la personnalité dévoilée de quelques clowns célèbres qui a pu justifier la mauvaise presse donnée aux clowns et l'intérêt que leur porte ainsi toute une génération de metteurs en scène en faisant de dangereux psychopathes. Mais nous ne pouvons pas nous en tenir à des acquis culturels lorsque nous savons que nombre d'enfants dès le plus jeune âge sont pris d'une phobie du clown. Il en va de l'inquiétante étrangeté, de ce qui est semblable et différent, de ce qui en fait des êtres hybrides.
Ne serait-ce pas ce qui fait peur ? L'imprévisible dans le familier.
Cela en fait un être marginal, libre, profondément humain, sans conditionnement, anticonformiste, mais non pas un être agressif. Il en va là d'une attitude contre nature pour le clown.
Le clown, est aussi un miroir tendu, amplificateur du monde qui l'entoure.
Rosario Orenes-Moulin
* Dans la préface de « MASQUE » d'Olivier Perrin