


LES CORPS PARLENT
Les corps parlent, chuchotent et grincent
L’un me parle de divorce, et je vois sa main droite entrer et sortir l’anneau
L’une me parle de l’autre, elle tourne son anneau.
Les corps s’agitent, remuent, qu’est-ce qui gigote ? Veut sortir ?
L’un me parle posément, sa jambe galope
L’une parle de sa vie remplie, elle se gratte bruyamment
Les corps fredonnent, respirent, soufflent
L’un me murmure ses mots, ses intestins remettent de l’ordre dans le labyrinthe
L’une s’essouffle dans trop de mots, elle est en apnée
Les corps sculptent, miment des phénomènes
L’un joint ses mains et les broient
L’une les met en prière, en menotte
Les corps sont habités de multiples,
L’un se veut père et croise ses jambes
L’une se veux grande et ses pieds se regardent
Les corps sont des villages aux armoires bien pleines
L’un pleure une mère morte et les larmes glissent sur les rides d’elle
L’une veut fuir la morte, son cri est le même qu’elle
Les corps bouillonnent, clament et rugissent
L’un excuse l’autre mais le rouge est son teint
L’une s’en va en laissant du rouge sur le coussin
Les corps se tendent, s’extirpent, tentent la guérison,
L’un a peur de mourir, mais les marqueurs réclament leur dose
L’une se sent coupable, elle n’a plus qu’un seul sein
Les corps suent, crachent, et vomissent
Et quand le bon arrive l’un croise les bras
L’une se raidit dans les miens
Les corps songent, rêvent, espèrent
L’un se courbe devant la main tendue
L’une prend la main qui mange le contact
Les corps s’enragent, s’engagent et s’arment
L’un fuit le mâle
L’une ne sait rire sans mordre
Les corps sont une jungle
L’un donne des coups de gueule
L’une minaude et se tortille
Il arrive que le corps soit l’univers
Tout entier, l’un et l’une sont l’autre
Mylène Berger